je remets l'intégralité du chapitre cinq
Chapitre cinq : Scar
Quelques semaines auparavantLa ville de Quimper n’offre pas un très grand intérêt, sauf peut être pour les touristes en mal du pays breton. Un passé pas très intéressant, une cathédrale toujours en rénovation, un petit train pour faire le tour de la ville, aucun monument important, une école des Beaux Arts, une ou deux universités pas si mal que ça… Non vraiment, ce n’était pas pour toutes ces choses que Scar avait prit la peine de venir. C’était simplement une histoire de meurtre.
De son passé, Scar n’en parlait jamais. De ses souvenirs ne revenait toujours qu’une silhouette, plutôt floue. De ses pensées ne ressortait que cette idée : vengeance. Mais ceci est une autre histoire, qui aujourd’hui ne nous concerne pas.
Scar était donc venu en ville à la recherche d’un homme, un dealer, responsable de la mort d’un jeune adolescent. Mais pourquoi Scar prenait il un soin tout particulier à venger sa mort ? Il ne le connaissait pas, il ne faisait pas parti de sa famille, ce n’était même pas un ami de ses amis. Ils s’étaient juste croisés un mercredi matin, dans un parc, et ils avaient tout deux discuté de choses et d’autres. Etait ce une raison suffisante ? Scar n’en savait rien, et après tout il n’en avait rien à faire. Quelque chose lui disait qu’il lui fallait le faire…
C’était un mercredi après midi, jour de sortie pour les internes de Cornouaille. Mat et Elise étaient descendues en ville dans les environs de 14heures, comme à leur habitude, en parlant de choses et d’autres comme le futur assassinat d’un certain professeur d’ACC. C’était donc un jour comme les autres.
Mat s’arrêta d’abord à Dites 33, la boutique de manga, puis elles firent une pause goûter à la boulangerie de la Mie Câline pour reprendre des forces. C’est à ce moment que le portable d’Elise sonna. Elle le sortit de son sac et appuya sur une touche pour ouvrir la petite enveloppe qui clignotait sur son écran.
« Eyh ! C’est Gali ! Elle ne peut pas venir, mais elle demande si on peut lui ramener un pain au chocolat.
- Ca c’est du timing, dit Mat en riant. Et puis là, on va rentrer non ? elle l’aura tout chaud !
- Oui on va rentrer. J’ai encore de l’éco à faire. Et toi je suis sur que t’as encore aucun devoir ! J’aurais vraiment du aller en L.
- Si si, j’ai… euh… des maths à faire ! Ah non j’ai plus maths depuis un an ! »
Un homme encapuchonné les bouscula. Il ne s’excusa même pas, apparemment trop pressé pour se rappeler des règles de base de la politesse.
« Mais pour qui il se prend celui la ?? Lança Elise énervée par cette attitude désinvolte.
- Y a des gens comme ça, et malheureusement ils ne sont pas rare… » Renchérit Mat, frottant son épaule douloureuse.
Comme pour confirmer ses dires, un second homme lui rentra dedans, presque un géant. Il commença à s’éloigner comme si de rien n’était, le regard fixe. Mat reprit son équilibre, puis elle se tourna vers l’homme, le poing levé.
« Non mais vous ne savez pas dire pardon ou quoi ?? Ca vous dit quelque chose la politesse ?? Ca n’a pas l’air ! »
Elle regretta un peu de s’être emportée, mais elle n’avait pas l’habitude de reculer devant ses actes. L’homme stoppa net, puis il tourna la tête vers elle. Mat soutint son regard dans une attitude de défi, les bras croisés.
« Sorry. »
Puis il continua son chemin. Elise et Mat se regardèrent, tout d’abord incrédules, puis réprimant difficilement leur fou rire.
Stephen Milor se savait suivi depuis qu’il avait quitté son appartement. La peur au ventre, les pensées confuses, les mains tremblantes et les dents qui s’entrechoquent… Oui, celui qui le pourchassait était dangereux, encore plus qu’il ne le paraissait.
Les mains enfoncées dans les poches de sa veste pour ne pas qu’on remarque son trouble, la capuche sur la tête et les yeux rivés vers le sol, courant presque pour ne pas se faire rattraper mais essayant de ne pas passer pour un homme en fuite, il se sentait dans la peau du cerf traqué par une meute de loups. Il ne s’excusa même pas lorsqu’il percuta deux jeunes filles, comme si cela pouvait le ralentir. Il finit par entrer dans une galerie marchande.
Scar suivait l’homme au survêt depuis que celui-ci avait quitté son domicile. Complètement investi dans cette poursuite, il ne se rendit pas compte qu’il venait de bousculer une jeune fille, déjà heurtée précédemment par le dealer. Si celle-ci ne lui avait pas fait remarquer, il aurait passé son chemin sans un mot. Il tourna la tête vers elle, et fut surpris par la détermination qu’elle montrait, ainsi que son amie. Cela lui plut.
« Sorry. »
Puis il repartit.
Après leurs achats (à manger pour pouvoir survivre car comme dit le proverbe : « Le self ne nourrit pas, la Mie Câline si. »), Mat et Elise prirent le chemin du retour. La pluie commençait à tomber, aussi pour pouvoir arriver plus vite au lycée elles décidèrent de prendre un raccourci connu d’Elise…Qui ne réussit qu’à les égarer dans les rues de Quimper. Pour une fois que ce n’était pas de sa faute, Mat en profitait pour taquiner son amie.
« Et bah alors, je croyais que tu savais parfaitement ou on allait.
- Mais si, je suis sûre que c’est par là ! Euh… »
Mat mit sa main et visière et regarda tout autour d’elle.
« Ah bon ? Tu en es vraiment sûre ? Parce que je vois rien qui ressemble à la prison où on passe nos journées.
- Mais euh j’en ai marre !! C’est par là et je vais te le prouver !! »
Mat éclata de rire, tandis qu’Elise déterminée entrait dans la ruelle sombre qui s’offrait à elles.
Cette ruelle s’étendait bien sur 200 mètres : De chaque côté, un trottoir à peine suffisant pour une personne, une chaussée juste assez large pour laisser passer une petite voiture. Peu de lumière, les rayons du soleil n’arrivaient pas à s’infiltrer entre les toits trop serrés, et par un temps aussi orageux que celui-ci, on se serait cru en pleine nuit. Les façades des maisons étaient sales, tombant presque en ruines, comme si personne ne vivait dans ces lieux. La seule indication de la présence d’habitants était les poubelles de sortie sur les trottoirs.
Mat regarda Elise.
« J’ai quand même un doute moi.
- Mais non… Enfin si…. »
Répondit son amie en plissant les yeux pour mieux distinguer les lieux. Mat soupira.
« Ouais, c’est ce que je vois. Bon allez, en avant toute ! »
Clang ! Le bruit métallique les fit sursauter. Devant elles, un homme venait de percuter une poubelle. L’homme au survêt !
Ce dernier se releva et tenta de s’enfuir. Une main le saisit par le col et le renvoya dans les ordures. La silhouette de Scar se détacha des ombres de la rue, menaçante et effrayante. Le dealer se releva une seconde fois et se plaqua contre le mur, les bras placés devant le visage.
« Attends… Attends mec ! Je sais que t’es furax parce que j’ai bousillé ton pote, mais je peux t’expliquer ! Tu veux quoi ? De la cam ? Du fric ? »
Scar le dévisagea d’un air méprisant.
« Pitoyable créature. Rien ne peut racheter la faute que tu as commise. Seule ta mort pourra apporter un peu de paix à cette pauvre âme que tu as détruite. »
Un rire nerveux s’échappa des lèvres de Stephen.
« Et merde, je suis tombé sur un justicier.
- Je ne suis que l’exécuteur de ta sentence. » Le corrigea Scar calmement d’une voix dure.
Elise tira Mat en arrière.
« Viens ! On ne doit pas rester là ! »
Murmura t elle, tendue. Mat acquiesça rapidement. Mais avant qu’elles n’aient pu faire un geste, elles virent le bras de Scar s’élever lentement, la paume de sa main dirigée vers l’autre homme. Puis il ne bougea plus.
« Je te laisse une minute pour prier… »
Stephen Milor ouvrit grand les yeux. La bouche entre ouverte, les bras toujours placé devant le visage, il dévisageait Scar comme si celui-ci était un extraterrestre.
Dans le silence qui s’installa dans la ruelle, nul n’osa parler, ni bouger. Mat et Elise étaient paralysées par la peur. Le dealer voulait s’enfuir, mais au moindre geste il savait qu’il se ferait tuer. Scar comptait les secondes qui s’écoulaient lentement, dernier sursis de sa proie.
Enfin, le glas sonna. La main de Scar fonça brusquement sur Stephen, à l’endroit ou se trouvait son cœur. Un craquement écoeurant retentit, un flot de sang jaillit de la plaie béante qui s’ouvrit sur la poitrine de l’homme ; quelques gouttes de sang s’écrasèrent sur le visage du tueur. Le corps du dealer s’affaissa, sans vie, les yeux encore agrandis par la terreur.
Elise détourna vivement la tête, la main plaquée contre la bouche. Mat ne pouvait pas ne pas regarder la scène. Elle remarqua avec horreur la chose encore suintante que l’homme au teint mat tenait dans sa main. Il serra le poing. Du sang coula.
Totalement abruties par cette vision, les deux adolescentes ne se rendirent pas immédiatement compte qu’un regard pesait sur elles. C’est Elise qui comprit la première que Scar s’était tourné vers elles et les observait en silence. Elle donna un coup de coude à Mat, qui réagit enfin. Celle-ci étouffa une exclamation de surprise, puis regarda Elise angoissée.
Puis Scar s’avança vers les deux filles, se préparant déjà à frapper.
« Tu crois qu’on doit paniquer là ? demanda Mat, déjà paniquée par ailleurs.
- Tu veux vraiment savoir ? A mon avis… oui ! Cours !! »
Les deux filles pivotèrent exactement en même temps et se mirent à courir.
Scar n’avait pas songé un seul instant qu’il aurait pu être vu. Maintenant, il n’avait pas le choix. Même si ces jeunes filles n’avaient rien fait, même si la détermination dont l’une d’elle avait déjà fait part lui avait plu, il se devait de les réduire au silence. Et il y avait un «je ne sais quoi » en lui qui lui ordonnait d’accomplir cet acte. Comme un lointain souvenir d’une mission tout aussi lointaine.
Le jeune homme, du fait de sa taille, rattrapa l’une des filles très vite…
Mat sentit une main se poser sur son épaule et crut s’évanouir de peur. L’homme ne lui en laissa pas le temps, et puis elle n’était pas aussi faible que ça. Il lui fit faire volte face, puis il la plaqua violemment contre le mur. La tête de Mat heurta les briques, ce qui l’assomma à moitié. Sous l’impact, sa respiration s’arrêta net durant quelques secondes, avant de reprendre, saccadée. La seconde main de son agresseur vint enserrer sa gorge, tandis que la première la maintenait toujours contre le mur.
Dans cette situation, Mat aurait du hurler, appeler à l’aide… Mais en voyant l’expression de Scar, elle sut que cela ne servirait à rien. Alors quoi… Se laisser faire ? Mourir sans se battre ? Hors de question !
Elle tenta de glisser sa main entre celle de Scar et sa gorge.
« Ne te débats pas, cela ne te fera que plus souffrir. »
Lui dit l’homme prévenant. Mat le fusilla du regard, des larmes de douleur perlant au coin de ses yeux.
« Parce… que je… souffre… pas la… peut être ?! »
Réussit elle à articuler au prix du plus grand effort. Scar haussa un sourcil, étonné par tant de résistance.
Elise, à quelques mètres d’eux, se baissa pour ramasser une sorte de barre de métal. Elle revint vers Mat et Scar en brandissant son arme.
« Lâchez là ! Croyez moi que je vous laisserais pas la tuer sous mes yeux !! »
Elle se sentait un peu ridicule, mais elle ne cilla pas.
Le regard de Scar passa de l’une à l’autre. Il ne pensait pas rencontrer de résistance, ni même d’acte de bravoure, pensant qu’Elise allait tout simplement fuir sans se retourner. Il finit par desserrer son emprise. Mat respira un grand coup, puis se dégagea complètement avant d’aller rejoindre son amie, en position de combat.
Mais à leur grande surprise (enfin, surtout à leur grand soulagement), Scar se contenta de les observer en silence. Puis il se détourna et commença à s’éloigner.