Agenda d’Ecolières : La Cour des Grands.
Prologue : Ce qu’il y a d’ironique dans la vie, c’est qu’il ne faut jamais planifier son avenir. On a beau vouloir tisser soi-même le fil de son destin, le sort peut d’un coup d’un seul en décider autrement et changer radicalement vos prévisions et espérances. C’est ainsi que ma vie, qui s’était jusqu’alors déroulée sans accros, a prit un tournant auquel jamais mes parents n’auraient pensé en me donnant la vie.
Chapitre Premier : Je m'appelle Maemi KUDÔ, j'ai 15 ans, et je suis collégienne de dernière année à Atsugi, une petite ville de la préfecture de Kanagawa, à une heure de Tôkyô environs. Je me suis toujours considérée comme une adolescente banale, sans histoire, qui n'a pas trop envie d'étudier et qui ne veut pas non plus quitter le collège.
Mais aujourd’hui, j'ai découvert un sentiment fort étrange : l'amour.
Auparavant, je n’avais jamais vraiment prêté attention aux garçons, trop immatures à mon goût. Etant fille unique, la seule présence masculine à la maison était mon père que je ne voyais que peu à cause de son travail très prenant.
Mon premier émoi sentimental s’est donc porté sur un élève de deuxième année de lycée. Après quelques recherches, j’ai fini par savoir son prénom. Naoki MATSUO. Son nom m’obsédait, si bien qu’il ne se passait jamais une journée de cours sans que je gribouille discrètement son nom sur mon agenda de classe.
Je l’ai rencontré pour la première fois lors des journées portes ouvertes des lycées. Les préparatifs pour le choix des lycées se faisant très tôt dans l’année, je l’ai entr’aperçu tandis qu’il déjeunait avec ses amis dans le parc du lycée.
On peut parler de coup foudre. Je l’ai vu et j’étais comme figée, sans savoir que faire. Il portait des lunettes et avait les cheveux très courts. De ce que j’ai appris par la suite, c’était quelqu’un de très calme et sérieux, et il faisait partie du club de jûdô du lycée.
Ainsi, depuis le jour où je l’ai vu pour la première fois, je n’ai cessé de tenter de le croiser, que ce soit dans les couloirs du lycée, que je ne fréquentait pas encore, ou en passant par les chemins qu’il était susceptible de prendre après les cours.
Je ne pensais plus qu’à lui et mettais tout en œuvre pour être acceptée dans le même lycée que lui.
De mon côté, mes meilleures amies, Misa KOJIMA et Sachiko MIYAZAWA étaient, bien sûr, au courant de ce béguin, qui avait fini par tourner à l’obsession dévorante. Il était en effet bien difficile de cacher les raisons pour lesquelles je faisais presque le tour de la ville pour rentrer, alors que j’habitais à dix minutes du collège.
Cette passion ardente finissait, bien évidemment, par m’épuiser, et malgré mes efforts soutenus, il m’arrivait parfois de m’assoupir en classe.
Ceci dit Misa, qui était la plus proche de moi était toujours là pour me secouer.
Un jour où nous étions sensées manger toutes les trois ensembles, elle me fit :
- Oh! Maemi! Réveille-toi, le cours est fini, on va manger!
- Quoi? Ah..Misa, ça va? Lui répondis-je, toujours un peu dans la brume.
- Quoi ça va? Dépêche-toi, on a même pas une demi-heure pour manger aujourd’hui! T’es pas croyable toi! T’es toujours dans la lune ces derniers temps!
- Pas du tout voyons! Allez on y va, tu l’as dit toi-même, on est pas en avance! Me contentais-je de lui répondre, avec un léger sourire aux lèvres.
Je me rappellerais toujours de cette journée. On était encore en hiver, mais le temps se radoucissait et nous pouvions manger à l’extérieur sans problème. Ce jour était spécial pour moi, car Sachiko comptait m’annoncer une très, très bonne nouvelle :
- Ah, Maemi, tu sais ma grande sœur, Akane, elle fête ces dix-huit ans ce week-end, et parmi les invités il y a de grandes chances que l’on retrouve ce cher Naoki!
La nouvelle fit l’effet d’une bombe en moi, je failli même m’égorger avec la bouchée de riz que j’étais en train d’avaler alors. Par la suite je ne pu m’empêcher de bombarder Sachiko de question le reste de la journée.
- Mais comment ça se fait que ta grande sœur le connaisse?!
- En fait, c’est pas ma sœur qui le connait, mais un ami qu’ils ont en commun qu’elle a invité, à ce que j’ai compris. Je n’ai pas demandé à en savoir plus pour ne pas avoir l’air louche. En tout cas ce qui est sûr c’est que la fête commence samedi à vingt heures et que mes parents ne seront pas là de tout le week-end.
Je ne tenais littéralement plus sur mes deux jambes. A ce moment précis j’aurais été capable de décrocher la lune à Sachiko, et de la lui offrir en remerciements.
Je n’attendais alors plus qu’une chose : c’est que cette semaine qui me semblait interminable, prenne fin.
Je n’en dormais plus la nuit, répétant à chaque fois ce que je pourrais dire une fois devant lui, au point d’avoir un discours tout prêt dans la tête.
Le jour que j’avais tant attendu une fois arrivé, je me trouvais prête devant les ballons multicolores, gonflés à l’hélium, qui flottaient, à proximité de la porte d’entrée. Je regardais encore une fois, presque compulsivement ma montre qui indiquait dix-neuf heures quarante. Les jours avaient déjà commencé à rallonger, et le ciel commençait à s’embraser au couchant, tandis que mes cheveux étaient caressés par une légère brise fraiche, presque printanière, accentuant ma chair de poule.
Je me tenais sur le pont devant le fleuve qui traversait la ville, il y avait un magnifique couchée de soleil, j'aurais voulu que ça ne se termine jamais.
Le cœur bâtant comme jamais auparavant, je me décidai à poser le doigt sur la sonnette.
A suivre...